La situation actuelle éveille un bon nombre d'émotions tant chez les adultes que chez les enfants. De nombreux parents se demandent comment répondre aux questions de leurs enfants concernant la guerre. Regardons ensemble quelques points qui pourront vous aider à accompagner vos enfants face à cette situation difficile.
1) ECOUTEZ
Si vos enfants parlent de la guerre, commencez par écouter ce qu'ils ont à dire. Une écoute active vous permettra de comprendre quelles informations ils détiennent, quelles questions ils se posent et quelles émotions ils ressentent. Cela vous donnera l'occasion d'évaluer en quelque sorte la situation. Nos enfants peuvent avoir des informations erronées ou plus d'informations que nous le pensons ou ressentir des émotions différentes des nôtres. L'objectif est donc de mieux comprendre où ils en sont!
2) VALIDEZ
Si vos enfants ressentent des émotions de peur, de tristesse ou de colère, commencez par valider ces émotions. Le fait de se sentir compris et soutenu va les aider à diminuer l'intensité de leurs émotions. "Je comprends que la guerre te fasse peur!"
Cela ne sert à rien d'expliquer quoi que ce soit concernant la guerre, si l'enfant est envahi par une émotion forte. Lorsque notre cerveau a un trop plein émotionnel, il ne peut pas réfléchir de façon rationnelle. La première étape est donc de prendre soin de leurs émotions en leur montrant notre compréhension, notre soutien et notre présence affective.
3) POSEZ LE CONTEXTE
Expliquez à vos enfants, en des mots simples, ce qu'est une guerre. Aidez-les à comprendre en prenant des exemples de leur quotidien:
"Il arrive parfois que des enfants ne soient pas d'accord pendant la récré ou à l'école, n'est-ce pas? Ils ne veulent pas jouer à la même chose ou veulent avoir la balançoire en même temps, etc. Que peuvent-ils faire s'ils ne sont pas d'accord? Ils peuvent parler, chercher une solution ou demander de l'aide à un adulte, c'est ça? Mais parfois il arrive qu'un des enfants tape, griffe ou que les deux se bagarrent, non? En fait, cela peut également arriver entre deux pays. Ils ne sont pas d'accord sur quelque chose, ils essayent de trouver des solutions et, généralement, ils y parviennent. Mais parfois, il arrive que certains adultes deviennent violents dans ces moments là. Malheureusement, ils n'ont pas appris qu'on ne résout pas les problèmes par la violence. C'est ce qui se passe pour cette guerre."
Si vous avez des enfants en âge préscolaire ou en début de scolarité qui n'ont pas entendu parler de la guerre, il n'y a pas lieu de leur expliquer quoi que ce soit pour l'instant. S'ils posent des questions, vous pouvez leur donner l'exemple ci-dessus pour les aider à comprendre. Mais rappelez-vous de restez bref dans vos explications. La capacité d'attention et de concentration des plus jeunes est encore peu développée et on ne veut pas les noyer dans un trop plein d'informations.
Les enfants dès 6-7 ans ont probablement entendu parler de la guerre à l'école. Un moment familial d'écoute, d'échange, d'explications et de réponses semble donc important. Donnez leur des informations simples et brèves sans les surcharger ou les contaminer avec vos propres peurs.
Pour les plus grands, dès l'âge de 9 ans environ, vous pouvez leur donner plus de détails politiques. Vous pouvez parler de l'OTAN, de l'ex-URSS, de la place de l'Ukraine pour l'Europe et la Russie, de Poutine, etc. Essayez de donner des informations qui permettent aux enfants de mieux comprendre ce qui se passe mais sans charger ces nouvelles de vos propres inquiétudes et peurs telles que: "Poutine est une personne instable qui risque d'utiliser les armes nucléaires à n'importe quel moment." Restez relativement factuel et attentif à la réaction et à l'attention de votre enfant. Si cela ne l'intéresse pas, changez de sujet. S'il semble inquiet, peut-être qu'il y a eu trop de détails ou que l'explication est trop longue. Restez donc attentif à l'attitude de vos enfants pendant ces discussions.
Vous pouvez montrer aux enfants où se situent l'Ukraine et la Russie sur une carte afin qu'ils puissent se représenter un peu mieux où cela se trouve. Certains enfants ont l'impression que tout cela se passe juste à côté de chez eux. Montrez leur donc où se trouve leur ville d'habitation, ainsi qu'une ville proche qu'ils connaissent puis comparez la distance entre ces deux villes et entre leur propre ville et l'Ukraine. Cela les aidera à avoir une représentation plus claire de la localisation de la guerre.
Un enfant me disait que son père lui avait indiqué que les avions militaires passaient juste au-dessus de nos têtes. C'était une façon de parler pour le père qui voulait dire que la guerre ne se passe pas loin de chez nous mais les enfants prennent les choses de façon littérale. Il faut donc être extrêmement clair, précis et rassurant avec eux.
Concernant vos ados, aidez-les à choisir de bonnes sources d'informations médiatiques, à comprendre qu'il faut mettre une limite aux images qu'on regarde et à approfondir leurs questionnements et leurs raisonnements politiques et humains.
Quelque soit l'âge de vos enfants, montrez leur qu'il y aura toujours de la place pour leurs questions et leurs émotions. Ne banalisez pas, ne minimisez pas, laissez la porte ouverte au dialogue et à la communication!
4) REPONDEZ A LEURS QUESTIONS
Nous avons entendu, ces derniers jours, de nombreuses questions de la part des enfants. La plus fréquente étant sûrement: "la guerre peut-elle venir chez nous?"
Cette question est extrêmement difficile car nous n'avons pas une réponse claire (comme bon nombres de questions dans la vie) mais également parce qu'elle vient toucher nos propres inquiétudes. En effet, un grand nombre d'adultes ont été boulversé par ce qui se passe en Ukraine et très inquiété par les suites possibles de ce conflit. Alors comment répondre à nos enfants si on se sent soi-même inquiet? Pas toujours simple, n'est-ce pas. Nous verrons plus loin dans cet article qu'une des étapes les plus importantes pour accompagner nos enfants, c'est de prendre soin de nos propres peurs et de nos inquiétudes.
Mais pour revenir à la question d'une guerre chez nous, commencez par valider la peur de votre enfant: "Je comprends que cette idée t'inquiètes ou t'effrayes. La guerre est en Ukraine actuellement et nous sommes en sécurité ici en Suisse. " Si votre enfant n'est pas suffisamment rassuré par cette réponse et vous dit: "Mais si la guerre venait quand même?". Vous pouvez lui répondre quelque chose comme: "Je ne pense vraiment pas que la guerre viendra jusqu'à nous mais sache que quoi qu'il arrive dans la vie nous te garderons toujours en sécurité et nous serons là pour te protéger." Pour les personnes vivant en Suisse, vous pouvez expliquer à vos enfants que nous avons une neutralité militaire.
Rappelez-leur également qu'aucun pays voisins ne veut la guerre et que nous cherchons absolument à maintenir la paix. Tout comme les profs à l'école qui mettent un terme à la bagarre entre les enfants, les autres pays font tout pour maintenir la sécurité de leur peuple et les protéger.
5) RASSUREZ
Face à ces évènements et ces émotions intenses, nous avons tous besoin de proximité, d'échanges et d'humanité. Prenez vos enfants dans vos bras, câlinez-les et montrez leur votre présence rassurante et soutenante. De vous savoir à leurs côtés face à ces questions difficiles va déjà être, en soi, extrêmement rassurant pour eux. Rappelez-leur également que les pays d'Europe veulent tous protéger leur peuple et oeuvrer pour la paix et la sécurité de chacun. Vous pouvez également leur rappeler que vous êtes toujours là pour les aider et les protéger.
N'OUBLIEZ PAS:
LES ECRANS:
Ne laissez pas la télé allumé en arrière plan et ne regardez pas les nouvelles lorsque vos enfants sont réveillés. Ils ne doivent pas être confrontés à des images trop complexes à digérer pour eux...(pour nous aussi d'ailleurs). En effet, regardez l'état dans lequel nous mettent certaines images d'enfants fuyant le pays avec leur mère. Cela est déjà fort complexe à intégrer pour un adulte. Il ne s'agit pas de cacher la réalité aux enfants car nous leur parlons de ce qui se passe. Il s'agit juste de leur amener et leur transmettre les informations d'une façon digeste pour eux. Une trop grande intensité émotionnelle liée aux images pourrait être extrêmement effrayante voir traumatisante pour certains enfants. Faites donc très attention à cela. Oui à l'information, mais pas sous n'importe quelle forme. Vous pouvez montrer à certains enfants, dès 10 ans, et s'ils le souhaitent, une ou deux photos d'immeubles détruits afin qu'ils puissent se représenter ce qui se passe mais nullement des photos de personnes en sang, etc.
Pour les ados qui ont accès à certaines images et vidéos via leur smartphone, restez vigilant, discutez-en avec eux, laissez la porte ouverte à la communication et rappelez-leur de ne pas trop s'exposer à ce genre d'images afin de ne pas être envahi par une trop grande intensité émotionnelle.
GERER NOTRE PEUR:
Nos enfants sont évidemment extrêmement sensible à notre état émotionnel et à notre langage non verbal. Nous pouvons leur transmettre des paroles rassurantes mais s'ils nous sentent très inquiets cela risque de les contaminer. Afin d'accompagner nos enfants, il faut donc faire un vrai travail sur notre propre peur. Rappelons-nous tout d'abord qu'il est tout à fait normal d'avoir peur face à la situation actuelle. La peur nous permet d'être vigilant et prudent face à un environnement potentiellement menaçant. Nous ne voulons pas être dans un déni et complètement déconnecté de la réalité. Nous voulons être conscient de nos émotions et nous rappeler que la peur va nous permettre de réagir ou de prendre des décisions afin d'assurer notre propre sécurité et celles de nos proches si besoin. Par contre, il est important que cette peur ne nous envahisse pas complètement car nous risquons alors de perdre toute rationalité. La vie est faites de risques et d'incertitudes. Il est important d'en être conscient mais pas d'avoir ce risque et cette peur sans arrêt au premier plan dans notre tête.
Afin que cette peur ne vous envahisse pas complètement, voici donc quelques recommandations:
- Ne regardez pas trop fréquemment les médias et les images chocs. Ecoutez votre corps et apprenez à dire stop quand c'est trop.
- Parlez-en avec des personnes proches afin d'évacuer le trop plein de tension. Pleurer et prenez-vous dans les bras afin de relâcher quelque peu l'intensité émotionnelle que vous traversez. N'hésitez pas à prendre contact avec un psychothérapeute si besoin.
- Distrayez un peu votre esprit en lisant, en regardant une émission agréable, en voyant des amis, etc.
- Calmez le stress corporel à travers le sport, la méditation, le yoga, une balade dans la nature, etc.
Nous venons de vivre deux années difficiles avec le COVID. Beaucoup de personnes se sont isolés et perdent l'habitude de voir du monde tant professionnellement que personnellement. Nous avons besoin de chaleur humaine et de contact pour traverser ces périodes difficiles. Prenez donc soin de votre vie sociale également.
SORTIR DE L'IMPUISSANCE:
Le Covid puis la guerre, nous donne un sentiment de perte de contrôle et d'impuissance. Nous savons que la perte de contrôle peut générer du stress chez les enfants (comme chez l'adulte d'ailleurs). Aidez donc vos enfants à sortir de ce sentiment d'impuissance en leur donnant un sentiment de contrôle: "Est-ce qu'il y a quelque chose que tu aimerais faire pour les enfants et les personnes Ukrainiennes?" Si votre enfant vous dit oui, vous pouvez lui proposer de faire un dessin, de donner un jouet (seulement s'il le souhaite. Il ne s'agit pas de culpabiliser nos enfants!), de donner de l'argent, de faire une vente de pâtisserie pour collecter des fonds etc.
Voici donc quelques pistes pour vous aider à accompagner vos enfants face à la situation actuelle. N'hésitez pas à m'envoyer vos questions ou vos commentaires. Je serai, comme toujours, ravie de vous lire!
Pour finir, rappelons-nous qu'en tant que parent, nous accompagnons les générations de demain vers leur vie d'adulte. Cette guerre nous rappelle l'importance d'éduquer nos enfants dans la non violence et dans le respect des autres et des différences. C'est dans notre quotidien que nous apprenons à nos enfants à gérer les conflits et à développer des compétences communicationnelles saines et constructives plutôt que des rapports de force. C'est dans nos conflits avec eux, dans les conflits dans la fratrie ou dans ceux du quotidien que nous leur montrons qu'il y a toujours la possibilité de résoudre un problème ou un différent de façon non violente. Continuons à donner cet exemple car c'est dans nos familles que nous créons le monde de demain. L'exemple que nous leur donnons, l'éducation que nous leur transmettons sont les fondations d'un monde empreint de respect et de tolérance. Continuons à planter ces belles graines de paix!
Chaleureusement,
Alessandra Cordey
Psychologue & Psychothérapeute
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